National Geographic - Le grand nord Canadien -

L’ÉDITO de Jean-Pierre Vrignaud, rédacteur en chef Les déracinés Drôle de monde. Au Qatar et aux Emirats arabes unis, 90% de la population est constituée de travailleurs émigrés. Nulle part ailleurs, la mondialisation ne se manifeste de manière aussi frappante. Ce pourrait être la société idéale, un monde sans frontière, où l’être humain, dans une seule et unique patrie, voyage, s’installe et travaille librement. Sauf que la vie à Dubai, pour les expats philippins, égyptiens ou indiens, ce n’est pas rose. Corvéables à merci, leurs droits sont bafoués et leurs conditions de travail d’un autre temps. Mais pour ces « déracinés » croisés dans le reportage que nous publions ce mois-ci, ce n’est pas le pire. Le pire, c’est la séparation d’avec leurs enfants, leur famille, leur village. Notre reporter a demandé à un Philippin travaillant en Arabie saoudite ce qu’il ressent alors qu’il rejoint sa femme pour quelques jours au pays. «Chaque semaine que je passe ici, c’est autant d’argent en moins. Elle veut que je reparte au plus vite »… Pourquoi s’infliger ça ? Ces immigrés au longs cours savent parfaitement ce qui les attend. Personne ne les force à ne voir grandir leur enfant qu’une fois par semaine sur Facebook. Tous, ils ont pourtant fait ce choix : renoncer à mener une vie normale pour que leur fils, leur femme, leur frère puissent eux gagner une vie meilleure, suivre des études, faire construire une maison. Alors derrière le destin tragique, on distingue de la grandeur, celle de l’homme qui se sacrifie pour un autre. Qui offre sa vie pour l’autre. Une histoire éternelle, à laquelle la mondialisation, aujourd’hui, donne juste un nouveau visage.