Oktobre - Creil - 11 2016 -

Trois personnages autour d’une table noire déclinent toutes les humeurs, depuis la rage jusqu’à l’hébétude. Une mécanique des émotions dont les rouages finement huilés nous est donnée de biais, par le recours à la magie, à la voltige et à l’acrobatie, parce que le corps est leur outil, parce que l’absurde et l’étrangeté sont un véhicule idéal pour embarquer le spectateur dans un voyage où le geste prend l’avantage sur le verbe. Jonathan exprime son rapport au monde avec une intensité et une animalité incroyables dans un déroulement de figures complexes. Yann, un manipulateur d’objets, champion du monde dans cette catégorie en 2012, déploie toutes les facettes de la prestidigitation pour générer le rire à partir de situations plus que désespérées. Éva, une virtuose du trapèze, défie les lois de la pesanteur en créant une tension qui retient tout le monde en haleine. En se passant de mots, comme on se passe de béquilles, ils abordent la scène en laissant parler le corps, c’est-à-dire la douleur, l’euphorie, l’inhibition et la ferveur. Sur des airs de Rachmaninov, ils répandent toutes les couleurs de l’âme humaine et nous tendent le miroir joyeusement déformé de nos élans, de nos blocages, de nos envies et de nos frustrations. On plonge dans cet univers où les règles ont été subtilement modifiées en éprouvant, à grands frissons, la peur, l’étonnement, et finalement une souriante sérénité car chaque chose ici retombe (à peu près) sur ses pieds.