Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le vent nous portera
4 novembre 2018

Lhasa - Live in Reykjavik -

lhasa live

Ce live, inédit, a été capté à Reykjavik en 2009, six mois avant la mort de la chanteuse. Bouleversant. C’est un chant d’outre-tombe, gorgé de douleurs et de joies, porteur d’une sagesse infinie. C’est l’ultime concert de Lhasa, capté à Reykjavik le 24 mai 2009, un peu plus de six mois avant qu’elle disparaisse, à seulement 37 ans. Il est d’une beauté renversante. Tous ceux qui ont aimé la jeune femme de son vivant seront emplis d’émotion à entendre ainsi sa voix qui chante, parle, rit — alors qu’elle pensait donner le coup d’envoi d’une tournée que la maladie lui aura finalement interdit. Ceux qui l’ont découverte depuis mesureront, une fois de plus, pourquoi son nom côtoie désormais ceux d’Amy Winehouse ou de Janis Joplin au panthéon des musiques populaires : ces trois-là partageaient une même intensité et un engagement sans réserve, que leurs disparitions prématurées auront rendus bien sûr plus précieux encore. Et que ceux qui ignoreraient le pouvoir de Lhasa se précipitent ! Ils entendront ici un concert poignant, aux ombres crépusculaires mais dansantes, qui fut donné avec recueillement. C’est de la même façon qu’il convient de le recevoir. Sans autre support qu’une contrebasse, une harpe, une guitare et une batterie, la force quasi transcendantale du chant nous revient intacte, et saisissante. Même si on connaissait l’existence de cet enregistrement, on n’espérait plus vraiment l’entendre : des incertitudes persistaient sur sa qualité technique ; l’écoute des bandes masterisées les écarte définitivement. Que chantait Lhasa, ce soir de 2009 ? Logiquement, elle reprenait l’essentiel d’un disque studio, son troisième, sorti quelques mois plus tôt ; mais elle allait aussi puiser dans les deux précédents. Le live à Reykjavik permet donc de renouer avec l’univers entier de la chanteuse. On y retrouve son goût de l’errance et du hasard, sa conscience du destin et de la mort, ses rêves chargés de symboles, ses paysages désertiques, sa dérision douce, son amour des instants suspendus et des vieilles légendes (son premier disque, en 1998, La Llorona, « la pleureuse », faisait référence à un personnage mythique hérité de l’empire aztèque). En anglais, en espagnol et en français, elle se promenait aux confluents du jazz, du folk, de la world et de la chanson. Loin des modes et des chemins trop fréquentés. Ses chansons lui ressemblent. Cette fille d’un Mexicain philosophe et d’une Américaine photographe aux origines russes portait un étrange prénom inspiré du Tibet, avait grandi dans un bus sillonnant les Etats-Unis, avait commencé à chanter le jazz quand elle était adolescente. Elle devait être un peu chamane : dans sa voix puissante et feutrée, une existence millénaire semblait résonner, tout comme les bruissements d’une nature indomptée. Lhasa savait envoûter. C’est d’ailleurs bien ce qui nous était arrivé, il y a tout juste vingt ans : pour la première fois, Télérama l’entendait, chez elle, à Montréal, où après mille vagabondages elle avait fini par s’installer. A l’époque, elle s’appelait encore Lhasa de Sela, n’avait sorti aucun album, était totalement inconnue en France. Anne-Marie Paquotte, qui s’occupait alors de la chanson au sein du journal, avait été si frappée par les chansons de cette fille étrange qu’aussitôt rentrée à Paris elle avait alerté le patron d’un label indépendant : « Ecoute ça, tu vas adorer ! » D’ordinaire, ce sont les maisons de disques qui appellent les journalistes… Mais l’enthousiasme était tel qu’il méritait qu’on le partage. Quelques semaines plus tard, le premier disque de Lhasa sortait en France, dans le label en question. Début d’une histoire qui nous aura toujours liés. L’annonce de son décès fut un choc, mais pas vraiment une surprise : non seulement on la savait malade, mais depuis le début on lui pressentait un destin hors norme. Lhasa sortait trop de l’ordinaire pour s’attarder très longtemps par ici. En partant, elle aura laissé un profond sentiment de perte, mais aussi une réconfortante sensation d’épanouissement artistique. Chacun de ses passages parisiens nous revient en mémoire : au Bataclan, au Grand Rex, aux Bouffes du Nord. C’est là que, quelques semaines avant Reykjavik, en marge de sa tournée officielle, elle était venue étrenner ses nouvelles chansons, le temps d’un concert privé. Elle y était entourée des quatre mêmes musiciens, dans un parti pris acoustique qui scelle l’intimité, à notes comptées, et que ce disque retranscrit à merveille. Qu’importe que Lhasa ait eu ou non la foi, il y avait quelque chose de profondément religieux dans sa façon de chanter. Cette manière si particulière de caresser les syllabes, de retenir les mots comme pour mieux les charger de sens, avant finalement de les laisser s’envoler, sacralisait la musique. Lhasa faisait de chaque concert un moment unique. A écouter celui-ci, on sera emporté en apesanteur dans un imaginaire voyageur, au bord des larmes (Rising), de la prière (A fish on land), du sourire (La Confession) ou d’une joie presque enfantine, même lorsqu’elle évoque la fin de tout (Para el fin del mundo). Et en l’entendant reprendre, en duo avec l’un de ses musiciens, un vieux titre de Sam Cooke (A change is gonna come), on ne pourra s’empêcher d’avoir la gorge serrée : « It’s been too hard living, but I’m afraid to die, cause I don’t know what’s up there, beyond the sky » (« Ce fut trop dur de vivre, mais j’ai peur de mourir, parce que j’ignore ce qu’il y a là-haut, par-delà le ciel »). Dans sa voix, Lhasa semble porter le destin tragique de l’humanité, tout en y insufflant une perpétuelle consolation. Celle de la création.Valérie Lehoux -

Publicité
Publicité
Commentaires
le vent nous portera
Publicité
Albums Photos
Archives
Publicité