La taille de mon âme
Il n'y a sans doute que lui pour nous entraîner dans ses longs monologues un peu plaintifs, un peu ironiques, plus parlés que chantés, qui ont le don de toucher sans qu'on sache exactement pourquoi - ou peut-être justement parce que la sécheresse apparente de leurs mots jette une lumière crue, et parfois aveuglante, sur la sincérité de leurs sentiments. Daniel Darc, rescapé - cabossé - de Taxi Girl et des virées à haut risque, impose depuis plus de vingt ans sa drôle de voix blanche et nasale en solo, fédérant aussi bien les amateurs de rock que de chanson. On l'aime pour ses urgences brûlées et brûlantes, la délicatesse de ses textes à nu. Darc bouscule. Il nous tend un miroir, ou un radar, qui perce nos solitudes. A ce titre, son dernier disque est peut-être le plus acéré de tous - bien plus intense et cohérent que le précédent. Il l'a composé et arrangé avec le musicien Laurent Marimbert, au CV curieusement variété, mais dont les orchestrations pointillistes et tout en légèreté lui vont bien. A 52 ans, Darc assume des chansons simples et douces ; des valses (!), presque classiques et jamais innocentes. Il chante la vieillesse, les filles apparues et les amis disparus. Malgré un ton assurément répétitif, l'ensemble dégage une clarté désespérée pleine d'une élégance subversive et précieuse. Et plusieurs titres tapent dans le mille, aériens et puissants à la fois : My baby left me, très gainsbourien mais pas caricatural. Ou La Taille de mon âme, sorte de happening poétique (à moins qu'il s'agisse d'un « cut up » à la Burroughs, qu'il admire), sur fond d'extraits des Enfants du paradis... Délicieusement addictif.