The Specials

La Chronique de Mr Orange : Au Royaume-Uni plus qu'ailleurs, les courants musicaux semblent portés par les climats sociaux et politiques. En tout cas, tel était le cas jusqu'au milieu des années 80. Les Specials ont émergé à la fin d'une drole de décennie qui vit les punks anglais tenter (et réussir) une révolution culturelle et même quasiment societale. Originaire de Coventry, une ville sans grand intérêt située dans la banlieue de Birmingham, le gang des Specials est issu d'un mélange de culture mod, rude-boy et ska : ils évoluent en bande, obéissent à un même code vestimentaire, et revendiquent le mélange des couleurs et des communautés dans leur groupe. D'ailleurs le nom de leur label (2 Tone) et leurs costumes noirs et blancs (largement identifiés ska aujourd'hui) symbolisent les deux couleurs de peau des membres du groupe. Mais venons-en au fait : l'immense premier album des Specials, que vous êtes peut-être déjà en train d'écouter, est d'une richesse et d'une profondeur époustouflante. La fresque sociale et musicale jouée par les Specials permet une immersion dans l'Angleterre populaire multiethnique qui porte en elle l'incontournable marque rock des sixties autant que, en ce qui concerne notre groupe, l'attachement aux horizons lointains, et aux sons des Caraibes et de la Jamaique en particulier. Ils reprennent d'ailleurs et avec brio A Message to you Rudy de Dandy Livingstone et Monkey Man de Toots Hibbert (Toots and the Maytals). Ils jouent un ska urgent et sec, candide et cuivré, un rocksteady qui s'accompagne des classiques claviers et cuivres, d'une basse qui donne le tempo et qui rebondit sur les claquements métronomiques d'une batterie pleine d'à-propos. L'album contient deux bonnes poignées d'excellents morceaux qui feront des émules auprès des groupes toujours plus nombreux de la même veine, et il n'est pas étonnant que Joe Strummer, friand comme on le connait de nouveaux groupes intéressants, les invitera à faire une première partie de Clash.